Retail

Le professeur Els Breugelmans (KU Leuven) se penche sur le commerce de détail en 2026

Le supermarché de 2026 oscilleentre les données et l'humanité

Professor Els Breugelmans
Els Breugelmans: "Les gens restent des êtres sociaux: nous voulons des contacts humains, de la reconnaissance et de la confiance. C'est précisément cet aspect humain qui fait la différence entre un magasin où l'on passe et un autre où l'on revient"

Les détaillants sont confrontés à un exercice d'équilibre. La technologie pénètre de plus en plus le magasin, mais l'attention portée au client, la proximité et la confiance restent les véritables facteurs de réussite. Les détaillants doivent à la fois devenir plus numériques et plus personnels, plus efficaces et plus empathiques. Quiconque veut se frayer un chemin dans ce contexte doit faire preuve de perspicacité, et non de coïncidence. Els Breugelmans, professeur de marketing à la KU Leuven, suit depuis des années l'évolution du paysage de la vente au détail et, sur la base de recherches et de la dynamique du marché, esquisse des perspectives pour 2026.

Armés pour l'avenir

Selon elle, des tendances claires se dessinent: l'intelligence artificielle continue de percer, les consommateurs attendent davantage de personnalisation, d'efficacité et d'expérience, et la durabilité évolue d'une valeur distinctive à une condition de base évidente. En même temps, elle met en garde contre les conclusions hâtives. "Je n'ai pas de boule de cristal", nuance-t-elle. "Ce que j'esquisse, ce sont des scénarios plausibles basés sur les tendances que nous observons dans les données et la recherche. Il s'agit de suppositions éclairées, pas de prédictions avec certitude. Mais ceux qui comprennent ces évolutions seront mieux armés pour affronter l'avenir."

Évolutions technologiques

L'innovation dans le commerce de détail est omniprésente. Comment les détaillants peuvent-ils utiliser des technologies telles que l'IA, l'analyse de données ou les chariots intelligents pour mieux répondre au comportement des clients?
Els Breugelmans: "La technologie n'est pas une fin en soi, mais un moyen. Elle doit partir d'une question: comment cela peut-il aider le client et/ou l'employé? L'IA et l'analyse des données peuvent rendre le comportement du client transparent et permettre la personnalisation et/ou elles peuvent organiser le travail de l'employé de manière plus efficace. Mais elles ne peuvent réussir que si elles s'appuient sur une stratégie claire. Aujourd'hui, de nombreux détaillants ne sont pas confrontés à un manque de données ou d'outils, mais il leur manque la bonne mise en œuvre. Après tout, l'IA nécessite des données de qualité et, surtout, une supervision humaine. Sans directives éthiques claires, vous risquez que les algorithmes fassent des hypothèses erronées ou excluent des clients. Les supermarchés indépendants peuvent certainement suivre cette tendance également: ils disposent souvent de données de qualité telles que les données de caisse ou les cartes de fidélité et, avec un bon mélange d'outils d'IA et de supervision humaine, ils peuvent en extraire des informations précieuses. Pour investir intelligemment, il faut commencer à petite échelle, à partir des données déjà présentes."

Mais les magasins sans caissières et les chariots intelligents semblent être l'avenir, n'est-ce pas?
"Nous en sommes encore à la phase d'expérimentation, et ce n'est peut-être pas pour demain ou après-demain. La technologie est coûteuse, complexe sur le plan opérationnel et nécessite encore une assistance humaine. Prenons l'exemple d'Amazon Go: une idée brillante, mais qui n'a pas été déployée à grande échelle. Les concepts sans caisse peuvent faciliter le travail répétitif, mais ne remplacent pas le personnel. À l'avenir, la technologie et le personnel se complèteront: les machines prendront en charge la routine, les personnes apporteront leur expérience et leur perception."

Data supermarkten
"Même les supermarchés indépendants disposent souvent de données de qualité telles que les données de caisse ou les cartes de clients et, avec une bonne combinaison d'outils d'IA et de surveillance humaine, ils peuvent en tirer des informations précieuses"

Facteur humain et santé

L'expérience est un mot à la mode dans le commerce de détail. Sera-t-il toujours d'actualité?
"Plus que jamais. Les gens restent des êtres sociaux: nous voulons le contact humain, la reconnaissance et la confiance. C'est précisément cet aspect humain qui fait la différence entre un magasin où l'on passe brièvement et un autre où l'on revient. D'ailleurs, la technologie peut soutenir l'expérience, par exemple en aidant les employés à répondre aux préférences grâce aux données des clients, mais c'est toujours l'être humain qui fait la différence."

Les supermarchés indépendants peuvent-ils en tirer profit?
"Absolument. La proximité, la reconnaissance, la convivialité sont leur ADN. Le facteur humain est un élément essentiel de la fidélité. Un exploitant indépendant connaît ses clients, sait ce qui se passe dans le quartier et peut s'adapter rapidement. Là aussi, la technologie peut être un outil qui conforte les commerçants indépendants dans leur mission. Tout comme l'analyse des données, qui permet aux détaillants indépendants de mieux comprendre les comportements d'achat ou d'adapter l'assortiment aux besoins locaux."

Menselijke factor
"Le facteur humain est un élément essentiel de la fidélité"

La durabilité et la santé deviennent de plus en plus importantes. Comment les détaillants peuvent-ils utiliser ces thèmes avec plus de force?
"La durabilité n'est plus facultative. La législation l'impose (ou l'imposera à court terme), les consommateurs l'attendent. Pour les détaillants, la clé réside de plus en plus dans la sensibilisation des clients. En fait, les détaillants doivent rallier l'ensemble de leur écosystème: les fournisseurs, les employés et les consommateurs. De petites interventions, telles que l'offre de produits presque arrivés à la date de péremption à des prix inférieurs ou d'emballages réutilisables, peuvent faire la différence. Mais il faut aussi parfois bien expliquer les choses aux clients, afin qu'ils en perçoivent les avantages et qu'ils adhèrent à la démarche de durabilité."

"La plupart des clients veulent vivre sainement, mais s'autorisent aussi un petit péché. C'est ce qui explique la croissance des emballages plus petits pour les sucreries ou le chocolat. Le plaisir avec modération"

La durabilité devient-elle également un atout commercial?
"Aujourd'hui, c'est peut-être le cas, mais à long terme, ce le sera moins. Dès que tout le monde sera durable - ou devra l'être, comme l'exige la loi -, le caractère distinctif disparaîtra. En ce qui concerne la santé, je m'attends à ce qu'elle devienne un facteur de différenciation plus fort. Les produits riches en protéines, les boissons sans alcool ou les alternatives à base de plantes sont autant de catégories qui connaissent une forte croissance. Les consommateurs sont prêts à payer plus cher pour des produits qui correspondent à leur mode de vie et garantissent leur santé. Pourtant, même dans un contexte où l'accent est mis de plus en plus sur la santé, le juste milieu reste important: la plupart des clients veulent vivre sainement, mais aussi s'autoriser un petit péché. C'est ce qui explique la croissance des  emballages plus petits pour les sucreries ou le chocolat. Le plaisir avec modération."

Le supermarché indépendant cherche sa place

Quels groupes de clients seront cruciaux pour les supermarchés indépendants en 2026?
"Il est difficile d'avancer un groupe de clients. Ce qui devient ou est crucial dépend de la formule du supermarché indépendant. Ce qui est certain, c'est que la segmentation deviendra essentielle. Vous devez savoir exactement qui est votre client, pourquoi il vient et comment vous pouvez mieux le servir. Votre client recherche-t-il la rapidité et la commodité, est-il sensible au prix ou peut-il apprécier un service personnalisé? Les données permettent d'affiner cette distinction. Pour les indépendants, c'est l'occasion de proposer des services véritablement personnalisés au lieu d'un concept unique."

Les ouvertures dominicales continueront-elles à définir la distinction?
"Pour une partie de la société (les personnes à deux revenus, par exemple), le dimanche est devenu un jour de shopping logique. Alors que l'ouverture le dimanche était auparavant un atout pour les petits magasins, on constate aujourd'hui que les grandes chaînes ouvrent également le dimanche. Les indépendants doivent donc chercher ailleurs leurs atouts: la proximité, la rapidité, l'approvisionnement local et l'humanité. Moins dans les heures d'ouverture, mais plus dans la pertinence."

La franchise a gagné du terrain ces dernières années. Cela va-t-il continuer?
"Je pense que oui. Elle offre une flexibilité et un ancrage local. Un franchisé qui est un véritable entrepreneur est mieux à même de répondre aux besoins locaux et est plus en contact avec les clients et les employés. Mais le modèle ne fonctionne que si cette liberté d'entreprendre reste réelle. Des contrats trop stricts tuent l'esprit d'entreprise, et donc ses avantages et sa valeur ajoutée."

Focus op aangenaam winkelbezoek
"Il est judicieux, surtout pour les indépendants, de ne pas se livrer à une concurrence aveugle sur les prix, mais d'investir dans ce qui apporte réellement une valeur ajoutée: un assortiment unique, un sourire, une visite dans le magasin qui peut être rapide, proche et efficace"

Comment les détaillants indépendants peuvent-ils investir intelligemment dans les promotions, l'innovation et les expériences sans perdre leur rentabilité?
"C'est la question clé. Avec des collègues de la KU Leuven, je mène actuellement une étude sur la manière dont les promotions affectent le marché. Nous y affirmons qu'en théorie, un monde sans promotions serait meilleur: les prix de base baissent et le marché devient plus transparent. Mais cela suppose un monde dans lequel aucun détaillant ne fait de promotions. On peut imaginer que le premier détaillant qui recommence à faire des promotions gagne de toute façon des clients. Tout le monde se contente donc de surenchérir sur les promotions. Pourtant, il est logique, en particulier pour les indépendants, de ne pas se livrer à une concurrence aveugle sur les prix, mais d'investir dans ce qui apporte réellement une valeur ajoutée: un assortiment unique, un sourire, une visite au magasin qui peut être rapide, proche et efficace. Des éléments que vos clients considèrent comme une valeur ajoutée et qui réduisent l'érosion de votre marge."

Et la technologie? Cet investissement est-il rentable à long terme?
"Certainement, mais peut-être pas toujours immédiatement. Il faut voir plus loin que le court terme. La technologie ou l'expérience ne se mesure pas seulement en euros, mais aussi en termes de valeur et de fidélité des clients. Les clients restent-ils plus longtemps? Reviennent-ils plus souvent? Tels sont les véritables indicateurs clés de performance de l'avenir. Et, comme indiqué plus haut, réfléchissez à la finalité de la technologie. Il s'agit d'un outil, qui n'est rentable que s'il aide les clients et/ou les employés."

Les médias dans le commerce de détail deviennent une source de revenus

Quels enseignements tirés de la recherche universitaire les détaillants peuvent-ils appliquer concrètement?
"Toutes mes recherches universitaires contiennent des recommandations très claires et concrètes pour les détaillants. Notre étude sur les transformations radicales des magasins en est un bon exemple. Nous avons étudié un grand détaillant alimentaire d'Europe occidentale qui transformait un magasin à bas prix en un concept haut de gamme. La direction s'attendait à ce que les clients existants soient enthousiastes. En pratique, la situation était beaucoup plus nuancée: les clients vraiment fidèles à l'origine ne reconnaissaient plus leur magasin et se détournaient vers les succursales de l'ancien format, qui, heureusement pour le détaillant que nous avons étudié, se trouvaient à proximité. La leçon est claire: "n'en faites pas trop." Il est nécessaire d'innover, mais il faut aider les clients à s'orienter dans le changement et conserver les éléments reconnaissables. Sinon, vous perdrez vos visiteurs les plus fidèles. Ce n'est qu'un exemple ; je peux le transposer pour un grand nombre de mes études scientifiques."

Existe-t-il des exemples étrangers dont les détaillants belges pourraient s'inspirer?
"Walmart et Amazon montrent qu'il est important d'oser expérimenter: parfois, quelque chose ne fonctionne pas, mais on en tire toujours des leçons. Ils disposent manifestement de la marge financière nécessaire, ce qui n'est pas toujours le cas de nos détaillants. Au niveau international, il y a également beaucoup de mouvement dans le domaine des médias de détail, qui vendent de l'espace de communication aux fabricants par le biais de dépliants, de sites web ou de présentoirs en magasin. En Belgique, nous n'en sommes qu'au début, mais cela peut devenir une source de revenus importante, surtout pour les chaînes qui disposent de beaucoup de données sur leurs clients."

Consument centraal
"La vraie question est la suivante: de quoi mon client a-t-il besoin et comment puis-je l'aider au mieux? C'est la réflexion sur le parcours du client. Ceux qui partent du client et non du canal peuvent réagir plus rapidement aux changements"

Quel changement d'état d'esprit est nécessaire pour rester pertinent en tant que détaillant?
"Beaucoup d'entreprises pensent encore trop en termes de canaux: en ligne, hors ligne, click & collect. Ce n'est plus une question de canaux, mais de clients. La vraie question est la suivante: de quoi mon client a-t-il besoin et comment puis-je l'aider au mieux? C'est ce que l'on appelle la réflexion sur le parcours du client. Ceux qui partent du client et non du canal peuvent réagir plus rapidement aux changements. Cela ne nécessite pas de boule de cristal, mais seulement de l'empathie, des données et du bon sens. Dans le commerce de détail de 2026, il ne s'agit pas de savoir qui possède le plus de technologie, mais qui comprend le mieux son client. Celui qui le fera restera pertinent, quelle que soit l'évolution des habitudes, des préférences ou des attentes."

Coolblue associe la technologie au service personnalisé
Coolblue montre comment la technologie peut améliorer le contact humain. En entrant dans le magasin, les clients indiquent sur un kiosque ce pour quoi ils sont venus - par exemple, un ordinateur portable en panne ou la recherche d'un nouveau téléviseur. Cette information est immédiatement transmise à l'employé compétent.
"De cette manière, Coolblue sait à l'avance ce que le client vient chercher et peut affecter le bon employé à chaque client. L'employé connaît le client et peut donc l'aider de manière plus personnelle et plus ciblée", explique Els Breugelmans. "Cela réduit les temps d'attente et rend le contact plus pertinent. Le client se sent aidé par quelqu'un qui connaît son problème. Il s'agit d'une technologie qui améliore l'expérience, et non qui la remplace. Et c'est exactement pour cela qu'elle fonctionne."

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Écrit par Werner Claeys29 octobre 2025

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