"Il faut se diversifier, mais sans exagérer"

Luca Bruno croit fermement au commerce électronique, mais aussi à la reconnaissance physique et au service

Tout le monde parle de diversification. Lors de notre précédente visite, Cynthia Bary, de la Librairie Le Passe-Temps à Thulin, nous a indiqué que, selon elle, un marchand de journaux ne peut réussir que s'il pense en termes de 'et et et'. Pour cette édition, nous avons demandé des conseils à Luca Bruno, de Group Bruno, dans le Limbourg.

Une entreprise familiale

Group Bruno est une entreprise familiale dont le siège se trouve à Bilzen et qui a été fondée en 1988. Depuis 2021, la deuxième génération est aux commandes: le fondateur Angelo Bruno est assisté de ses enfants Noë, Luca et Nina. Le père d'Angelo était originaire des Pouilles, dans le talon de la botte italienne, et, comme beaucoup d'Italiens, il est venu travailler dans les mines du Limbourg.

L'entreprise est active à 36 endroits dans le Limbourg, le Brabant flamand, Anvers et la Flandre orientale, avec un réseau de 35 stations-service Esso et 25 Bruno Foodcorners. Group Bruno est également présent dans les secteurs du mazout de chauffage, du lavage de voitures, de la location de voitures, de l'hôtellerie, de la restauration et de l'immobilier. Le groupe emploie près de 800 personnes et a réalisé en 2024 un chiffre d'affaires consolidé d'environ 265 millions d'euros.

Il ne s'agit donc pas d'un diffuseur de presse ordinaire. Mais cela n'empêche pas Luca d'avoir de précieux conseils à partager. 

Philosophie

Lorsqu'Angelo a repris une première station-service Esso à Genk avec son frère Juliano en 1988, il n'était pas écrit dans les étoiles que Group Bruno deviendrait la grande entreprise food & convenience qu'elle est aujourd'hui. "Dès le début, la philosophie était que ce n'était pas la voiture qui était centrale, mais le client", explique Luca lorsqu'il commence à nous raconter l'histoire de sa famille. "Nous avons également proposé des sandwiches et du café dès le premier jour. Cette philosophie a été appliquée dans tout ce que nous avons fait."

En 1997, l'offre s'est élargie aux pizzas, inédites à l'époque, et plus tard aux journaux, magazines et autres produits que l'on trouve également dans une librairie classique. Mais d'autres 'marques' ont également rejoint le groupe, par exemple Bruno Carwash en 1993, Bruno Car Rental en 1995 et Bruno Mazout en 2018. De nombreuses stations se sont  rapidement ajoutées. Mais dès le départ, les frères ont souhaité être propriétaires de ces bâtiments plutôt que de les louer. C'est ainsi que l'on se constitue un patrimoine.

Rebranding

Lieux de rencontre

"2016 a été une année cruciale", poursuit Luca. "C'est à ce moment-là que nous avons procédé à un rebranding de toutes nos stations-service et food corners. Il s'agissait de créer plus d'expériences, des lieux de rencontre chaleureux, y compris dans les petites communes. Des lieux où les gens se retrouvent au food corner, où les clients ont l'impression d'être dans une sorte de centre communautaire, où les lève-tôt viennent prendre un bon café."

Livraisons de nuit

"Nous avons également revu nos horaires d'ouverture à l'époque, car nous voulions être ouverts jour et nuit en permanence. C'est désormais le cas pour nos neuf plus grands établissements, les plus petits fermant à minuit et rouvrant à 5 heures du matin. À la mi-2025, nous avons également commencé à effectuer des livraisons à domicile pendant la nuit."

La bible

"En 2016, nous avons commencé à travailler avec un four à pizza rotatif, qui nous a donné la possibilité de préparer des pizzas sur place, ce qui a immédiatement boosté la qualité. Il en a été de même pour le café, lorsque nous avons décidé de remplacer les dosettes par des grains de café afin de garantir la qualité et d'améliorer l'expérience."

"Ce que nous proposons en termes de nourriture et de boissons est identique partout. Nous avons engagé du personnel pour cela: un barista pour le café, par exemple, qui visite plusieurs établissements chaque jour, et un pizzaïolo qui forme tout le personnel amené à confectionner des pizzas. L'objectif, à terme, est d'avoir partout un ou deux pizzaïolos fixes pour ne faire que ça."

"Tous les produits doivent également avoir le même goût partout, dans toutes les stations, afin que les clients les reconnaissent. Même les sandwichs. Pour cela, nous avons même préparé une 'bible' qui explique pas à pas comment préparer tel ou tel sandwich. D'ailleurs, nous avons également préparé ce genre de 'bible' pour le café, avec des QR codes renvoyant à des vidéos d'instructions."

Écologie

La durabilité est également importante pour l'entreprise familiale. En 2017, Group Bruno a installé sa première station de recharge. Aujourd'hui, le groupe a décidé que des bornes de recharge devraient être installées dans toutes les stations-service. "En interne", souligne Luca. "Cela représente un investissement d'environ 6 millions d'euros. Mais si vous avez votre propre station de recharge, vous fixez également votre propre prix." Et l'aventure écologique ne cesse de se développer, avec des panneaux solaires capables de produire leur propre énergie, des éclairages LED, de l'eau recyclée dans les stations de lavage, etc. "Le client y est sensible aujourd'hui et apprécie cet effort", affirme-t-il.

Et au-delà...

Group Bruno évolue également avec son temps sur le plan numérique. En 2018, il lancera sa propre application avec une gamme diversifiée de services. En outre, il dispose déjà de son propre système de carte carburant, de sa propre radio, d'un hôtel, d'une salle de fête et de Bruno for Business, un département qui soutient les entreprises externes grâce à des solutions intelligentes et intégrées de mobilité, d'alimentation et d'avantages professionnels sur mesure.

Oser lâcher prise

Group Bruno, c'est une famille. Notre slogan est 'La famille relie, l'innovation conduit, l'ambition dirige', souligne Luca. "Nous avons donc toujours été à l'affût de nouvelles opportunités, mais nous avons également retiré de la gamme les produits qui n'étaient plus rentables. Il faut oser faire ça aussi. Par exemple, nous avons cessé de vendre des journaux et des magazines il y a cinq ans. En revanche, nous vendons toujours des produits de loterie, ainsi que des cigarettes et d'autres produits du tabac. Les ventes de ces derniers sont même en hausse."

Commerce électronique

Angelo, père de famille, prendra sa retraite à la fin de l'année 2026. Noë reprendra le poste de PDG, Nina gérera la partie immobilière de l'entreprise familiale et Luca restera directeur du commerce de détail.

"Il est vrai que les petits magasins indépendants n'ont pas la vie facile aujourd'hui. Le commerce de détail en général traverse une période de tempête. La concurrence du commerce électronique est forte et les clients sont sensibles aux prix. Mais nous pensons qu'il est possible de survivre si l'on se concentre sur le service", affirme Luca. "Par exemple, nous faisons beaucoup de promotions - sur les pizzas, les boissons, les friandises, par exemple -, avec chaque fois quelque chose à gagner pour le client."

"L'aventure en ligne représente le plus grand changement de ces dernières années, car les magasins physiques sont sous pression. Notre groupe possède sa propre boutique en ligne depuis 10 ans. Lorsque le corona a éclaté, les clients ne pouvaient peut-être pas venir jusqu'à nous, mais nous pouvions aller jusqu'à eux. Aujourd'hui, un tiers de notre chiffre d'affaires est réalisé en ligne. En fait, en tant que détaillant, vous ne pouvez plus vous passer d'une boutique en ligne, c'est une nécessité si vous voulez survivre."

"Mais ce n'est pas tout. Il faut aussi offrir un lieu de rencontre chaleureux, et une librairie indépendante peut être parfaite pour son quartier. Offrez un décor chaleureux, une large gamme de produits typiques de la région et veillez à proposer la même qualité partout, ou tous les jours si vous n'avez qu'un seul magasin. C'est le cas, par exemple, de vos sandwichs. Veillez également à ce que le client puisse gagner quelque chose de temps en temps."

Communication

"La communication joue également un rôle crucial", poursuit Luca. "La façon dont vous communiquez avec qui est importante. On ne communique pas de la même manière avec un baby-boomer et un membre de la génération Z. C'est pourquoi nous avons également divisé notre public cible en quatre groupes."

N'en faites pas trop

"Il ne faut pas non plus exagérer dans l'offre", tempère enfin Luca. "Si vous offrez tout, le client se perd et ne reconnaît plus ce que représente votre magasin. Il y a dix ans, nous avions 2.000 références dans nos magasins. Nous avons progressivement abandonné cette pratique et commencé à nous concentrer davantage sur le bon rapport qualité-prix, le service et la reconnaissance."

Que nous réserve l'avenir?
Group Bruno souhaite compter 50 établissements d'ici 2030; aujourd'hui, l'entreprise familiale basée dans le Limbourg en compte 36, dont 25 food corners. L'entreprise possède des succursales principalement dans le Limbourg, où la famille est la plus connue, mais aussi dans les provinces du Brabant flamand et d'Anvers. "Avec le temps, lorsque notre entreprise sera connue en dehors du Limbourg, la Flandre orientale et la Flandre occidentale suivront également", conclut Luca.